lundi 11 octobre 2010

Fleuve - Dix haikus nés de l'eau

- I -

Fin d'après-midi
Les rivages se sont effacés
À force d'écume et de ressacs

- II -

Une brume blanche compose l'horizon
Lame entre mer et ciel
Ciel et mer

- III -

Pays de cendres bleues
Les contrastes s'évanouissent
Sous chacune de tes ondées

- IV -

Flaque sur le quai
Tu contemples le fleuve
Trêve dans l'infini

- V -

Les rochers sur la grève
Égrainent leur solitude
Au gré des marées

- VI -

Le balcon penche
Comme le bord d'un navire
Sur une mer lente

- VII -

La rive et la fleuve
Se dessinent l'un l'autre
Comme deux amants rieurs

- VIII -

Les arbres se bercent sous le vent
Curieux des algues
Que l'eau remue

- IX -

Les vagues s'effacent sagement
Alors que je les trace à coups de crayon
Deux haïkus se regardent

- X -

Comme mille reflets
De l'ombre et de la lumière du ciel
Les vagues du fleuve


mardi 8 juin 2010

Ma génisse

Entourée de sa palissade
Ma génisse gémira toujours.
Ses souffrances sont toutes simples
Dès qu'elle vit, elle souffre
Comme sa cloche tinte dès qu'elle oscille.

J'ai voulu la faire taire
Mais j'ai résolu de la laisser
Je la regarde maintenant souffrir avec fierté, ma génisse
Parce qu'elle ne comprends pas.

Je la regarde, les mains sur les hanches
Vêtu d'une salopette et mâchouillant un brin d'herbe;
Elle me regarde de ses gros yeux humide
Elle est éplorée
-- J'en suis fort satisfait.

dimanche 21 mars 2010

Acte dernier

Hommage à Anne-Marie D'Amours

«Avez-vous médité le langage des flots,
Aux rives du grand fleuve à l'allure si fière?
De cet hymne sans fin, éternelle prière,
Avez-vous bien compris les mystérieux mots?...
[...]» Le langage des flots

Avez-vous vu les étoiles s'emporter
Leurs rages rutilantes et lointaines
Leurs emportements totaux et sans retenue
Leur fureur extravagante et auguste
Au théâtre sacré du ciel nocturne?

Ces scènes stellaires au décor de ténèbres
Sont faites de feu, le ciel s'illumine
Comme le sang fuse et macule la plaine lors d'une grande bataille
Un son grave et pénétrant vient d'en haut
Un gong annonciateur résonne dans les entrailles

Tous frissonnent du même effroi
On est aussi proche qu'on peut l'être
De toute personne présente, qui assiste comme soi
À la débâcle grandiose du firmament
À la révolte irrépressible des astres

vendredi 19 mars 2010

Hommage

« nous insistons
à la vitesse de la faim
l’émergement
balançoires d’oiseaux
sur les nids d’oxygène »

Huguette Gaulin, Nid d’oxygène (octobre 1970)

la falaise de mémoire
course vers la cadence du mur

elle marche d’emporte-pièces
travail dans les corps couchés
son plan de calques à déplacer

responsable
des berges froides du sens
ses racines nettoient idéales
ces ébauches qu’il nous faut entamer

jamais cogneuse de petits poings
seulement d’urgence effritée

l’effrénage de son souffle
entre aux enzymes de la récurrence

une séquence de la soif dans mon respir

vendredi 5 mars 2010

Les habitudes

Des habitudes se rencontrent

Tu sais nous pourrions être grandioses
Avec un chapeau haut-de-forme
Et un bel habit digne
On tromperait tout le monde :
Dans nos mallettes, il y aurait un costume de clown
Et quand on le mettrait
Ils serait toujours dupes
Notre bel habit caché dans nos sacs clownesques
...
Je sais
...
Je ne suis jamais moi
Tu n'es jamais toi
Nous sommes des habitudes qui vaquent
Nous sommes des rivières sans lacs.

mercredi 10 février 2010

Vernissage

l’oubli est une crampe à la jambe
lorsqu’à chacune des marches
le boitement se montre insistant

à l’irrégulière démarche entre les sols
que l’on voudrait hanter, la maladresse
seule esquisse le portrait des frictions

toutes ces convergences de bataille
ce sont des visites en pente raide
dans les galeries d’acharnement :

la peur des dimanches d’inauguration
quand au matin, la suite dérange
par son silence de case zéro

Équinoxe

aux débarcadères égratignés
sont engouffrés jusqu’au chevilles
ces soldats de boue calleuse

ils bariolent en centaines d’articulations
s’approprient le froid des faisceaux
dans l’ordre des voyages teintés

ce sont des véhicules écarlates
embués par l’exil du confort
ils sont de violence galeuse
lorsqu’en feu la friche dégénère

dans le vacarme des visages
ce sont des aveugles armés de lanternes
au tournant des heures sombres

dimanche 7 février 2010

Le Banquet

Les visages passent
Chacun déçoit
En rappelant de près de loin
Un autre familier

Un râle se tient debout depuis un moment
Il attend
Il ne tremble pas
Il regarde droit devant

« Je ne veux plus m'interroger »
Détourne-t-on la tête
Humecte-t-on ses lèvres
Les mains dans les cheveux les poches

Faillible chacun d'eux est faillible
C'est ce que vous oubliez parfois
A danser à l'aveuglette
Au grand banquet du monde

jeudi 14 janvier 2010

Chronique

14 Janvier 2010

«L'amour, trésor du patrimoine humain, bijou dont l'inestimable valeur n'est altérée ni par sa profusion chez les uns ni par la popularité de son antagonisme chez les autres...»

Arrêtez, vous allez me faire dégobiller.
L'«amour». Non mais, il y vraiment quelqu'un qui y croit à ce truc? Allez, levez la main, si vous n'avez pas honte.
D'abord, parmi les mains les mains levées, j'estimerai que la moitié du lot (moitié où figurent principalement les protagonistes féminins) prétend adhérer à cette croyance ridicule par intérêt personnel : avantages matrimoniaux, entraves aux bonnes mœurs excusées, mégalomanie, clôture immédiate de discussions indésirables, domination physique, tout le panorama de la perversité égocentrique.
Parmi les autres qui gardent toujours leurs jolies extensions digitales en l'air (ces petites merveilles qui font, elles, bien partie de la richesse patrimoniale des hommes, comme d'ailleurs toutes les prouesses d'évolution qui le constituent), on trouvera une part de naïfs (plutôt masculine), une part de romantiques (sujet traité dans la chronique précédente), des inclassables, des opinions aléatoires, bref des minorités négligeables.

Encore une chose. L'immense méprise, c'est aussi de croire en une sublimation naturelle inhérente à l'humain. Voyez? Le rut animal : répugnant, affreusement dégradant (d'un point de vue citadin, s'entend), prosaïque... Maintenant, l'«amour» entre «homme» et «femme» : élevé, raffiné, estimable ; une exception dans le règne animal, quelle chance! (Et si par hasard la terre serait VRAIMENT au centre de l'univers?)
Je ne me permettrai jamais une telle prétention que de dire «Je t'aime».

mercredi 13 janvier 2010

La goutte d'eau qui tombe est-elle tension ou résolution ?